1 Kadaré Ismail, Eschyle ou le grand perdant [1995], trad. Mais, c'est un dangereux ami car le feu est imprévisible. . Ce texte a été rédigé à partir de 1981 et publié en 1985 d’après la préface d’Éric Faye au tome IX des Œuvres (Paris, Fayard, 2000). Sur la place particulière du mythe de Prométhée dans la culture est-allemande, voir l’article de Christian Klein « Déconstruction du mythe identitaire : Le mythe de Prométhée et sa réécriture dans la littérature de RDA (J. R. Becher, Volker Braun, Heiner Müller, K. Bartsch), in : Cahiers d’Études germaniques, vol. Les Prométhée de Kadaré : enjeux de la réécriture, , Presses universitaires de Paris Nanterre, 2011, Coller au texte, traduire pour un public : trois traductions françaises récentes de l’, Portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales, Kadaré et les tragiques grecs : roman, tragédie et guerre des textes. cit., p. 310-311 et 534. 13 Kadaré Ismail, Le Concert, trad. 16 Ibid., p. 503-4 : « Chaque fois que j’arrivais à Paris, j’avais l’impression, à l’instant où mes amis m’accueillaient à l’aéroport, m’embrassaient ou m’invitaient à dîner, que de mes épaules roulaient cailloux et mottes de terre ». Car avec la santé et le sommeil retrouvés, Prométhée s’engourdit et sombre dans la mollesse : Le foie rebondissait, maintenant [le cinquième jour], jusqu’à former à son flanc une volumineuse éponge, souple et douce au toucher. À ma connaissance, cet avanttexte de Chronique de la ville de pierre n’est pas repris dans les Œuvres. 21 Kadaré Ismail, Récits d’outre-temps, op. »). C’est dire que la figure du Titan a accompagné l’écrivain dans son cheminement, dans ses réflexions, voire dans l’évaluation de son propre parcours. Provoqué trop de fois par l'insolent Prométhée, Zeus décide de se venger sur ses protégés, les hommes. »). Mary Shelley se réfère d'abord au mythe grec de Prométhée en lutte contre la toute-puissance de Zeus, dérobant le feu de l' Olympe et l'apportant aux hommes pour leur venir en aide et les sauver. Cette idée est reprise par Sylvie Mullie-Chatard, qui assimile le mythe du progrès technique au mythe de Prométhée[49], ce qui est une réduction toute moderne. 9 La scène renvoie aux protestations d’Enver Hoxha face à Khrouchtchev : « Vous vous imaginez peut-être pouvoir nous parler comme Zeus aux divinités mineures ». « Au fond, toute l’histoire du monde peut se résumer à une pure substitution de symboles45… », concluait le héros de Mauvaise saison sur l’Olympe : nul besoin d’être « mythobiographe » pour comprendre que c’est aussi le cas, au plan individuel, pour les images successives par lesquelles nous (nous) représentons notre propre histoire. Le roman relate la tentative d'un savant, le docteur Frankenstein, pour créer artificiellement un d'être humain, et il confère au personnage du docteur Frankenstein une dimension prométhéenne : Frankenstein agit comme un démiurge puis est pris de remords devant les conséquences catastrophiques de son acte. Sachant que Le Grand Hiver est la version « politiquement correcte » (pour le régime albanais), son usage de la mythologie s’apparenterait-il à de la langue de bois, à une phraséologie convenue ? 11 Kadaré Ismail, Novembre d’une capitale, trad. L'être humain vient de l'homme et de la femme 3. Néanmoins, il est probable que, dans Prométhée délivré, le Titan se réconciliait avec Zeus rétablissant ainsi l'ordre des choses[37]. Ces deux personnages possèdent plusieurs points communs : associés au feu mythique et au don de la connaissance, ce sont des médiateurs entre ciel et terre. Et à considérer l’ensemble de sa production, il semble qu’elle soit animée par une tension entre ces deux points de vue. Et, la perestroïka aidant, se dessinent un dépassement du conflit et une réconciliation entre Zeus/l’État et Sakharov/Prométhée, qui sont de nature à donner confiance à Kadaré, en 1990-1. Il s’agirait plutôt de « la cocréation d’un auteur et de toute l’humanité venue après lui ». Un premier état de ce texte est paru en Albanie, en 1985, selon les indications de l’auteur dans Le Poids de la Croix (trad. En 1818, l'écrivain britannique Mary Shelley sous-titre son roman fantastique Frankenstein « Le Prométhée moderne » (Frankenstein or The Modern Prometheus). Si – selon la métaphore centrale de L’Ombre – retourner en Albanie, c’est revenir dans le royaume des morts et si, à l’inverse, arriver à Paris, c’est se débarrasser d’une gangue infernale16, alors l’écrivain pouvait bien se projeter dans l’image du Titan, enfoui dans les profondeurs terrestres. -Il est daté de 1967 par Éric Faye dans sa préface au tome XI des Œuvres. Pour Hobbes, les souffrances de Prométhée, condamné à avoir le foie dévoré chaque jour, symbolisent les craintes et autres douleurs qu'inspirent à l'humanité les inquiétudes de l'avenir[46]. Amère, dans la mesure où le Prométhée de Mauvaise saison sur l’Olympe fait la même expérience que celui de « Prométhée. Le plus notable étant, avec le déclin des dieux de l’Olympe, la sortie d’un face-à-face mortifère entre le tyran et le Titan43, mais aussi les doutes désormais infinis de Prométhée. Trilogie » à Mauvaise saison sur l’Olympe, la problématique a changé, mais demeure la nécessité d’un dépassement du conflit prométhéen. », « Je suis étonné qu'étant devin, tu n'aies pas prévu le supplice que tu subis. En Allemagne, Goethe publie en 1774 le poème dramatique fragmentaire Prométhée où il met en scène Prométhée comme une incarnation d'un esprit créateur rebelle qui se retourne contre Dieu. C’est par le détour de la Grèce qu’elle a commencé à s’intéresser à Ismail Kadaré, avant de s’attacher à l’œuvre dans sa totalité, © Presses universitaires de Paris Nanterre, 2011, Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540. 1Dans Eschyle ou le grand perdant1, Ismail Kadaré note qu’Eschyle n’a pas réellement façonné le personnage de Prométhée qui hante l’imaginaire occidental. Le mythe de Prométhée est admis comme métaphore de l'apport de la connaissance aux hommes. cit., p. 526-7. Il a ainsi été rapproché du nom propre vieil-indien Videgha Māthavá, nom d'un roi des (Kosala-)Videhas, peuple de l'est de l'Inde védique[4]. . cit., p. 161. cit., p. 95. Il a également été théorisé que son nom dérive de la racine proto-indo-européenne qui a produit le nom védique pra math, « voler », d'où pramathyu-s, « voleur », apparenté à Prométhée, le voleur de feu[6]. Trilogie » : il finit torturé par le doute, et conscient qu’il n’y a de progrès humain que dans le bien et dans le mal, conjointement40. Mais, s’il est proche du Sakharov qui fut interné à Gorki (du Sakharov enchaîné), il ressemble davantage au Sakharov libéré, et bien plus encore à celui de la troisième pièce de la trilogie, celle où Sakharov accepte de prendre sa place sur l’Olympe (au Kremlin, donc) en tant que député37. Si bien que Prométhée en arrive à connaître l’existence du Christ, et avec lui la loi de la pénitence et du pardon. «Exemple de Le Nom d’Œdipe d'Hélène Cixous» RumeliDE Dil ve Edebiyat Araştırmaları Dergisi, 2020. Mais Prométhée reprend la complainte de la misère de l'humanité. Quant aux enjeux politiques liés à l’existence de l’alphabet albanais, La Niche de la honte nous les rappelle : l’Empire ottoman avait cherché à éradiquer les cultures locales. Pourtant, cette unique pièce de théâtre de l’œuvre de Kadaré prolonge le texte que nous venons de lire, dans la mesure où le feu donné par Prométhée n’est pas la seule littérature (bien qu’Eschyle fasse une apparition dans le sixième tableau), mais aussi les sciences, les techniques, l’appétit de savoir, de découvrir et d’inventer, y compris la bombe atomique. Après ce partage sacrificiel, Zeus veut punir Prométhée de l'avoir trompé : il interdit aux hommes l'usage du feu pour cuire les viandes et se nourrir[26], et Prométhée va à nouveau le dérober afin de le leur restituer[28], ce qui entraîna une nouvelle vengeance de Zeus, qui envoya aux hommes une « belle calamité », Pandore[29]. 25C’est cette nouvelle loi qui met fin au conflit entre Zeus et le Titan, de même que, dans l’Orestie, l’instauration d’un tribunal humain abolissait le cycle sans fin de la vendetta familiale. Le projet en est lancé après la campagne antilibérale de 1967 (où Kadaré est envoyé « tremper ses mains dans la boue », à Berat28) ; or 1967, on s’en souvient, est la première date indiquée par Kadaré à la fin de « Prométhée. Réécriture d’un mythe ou réécriture de l’humanité ? Et lorsqu’il évoque les étapes d’un conflit, elles sont placées sous le signe de la duplication : par exemple, dans le premier volet, Prométhée est emprisonné sous terre, comme celui d’Eschyle à la fin du Prométhée enchaîné ; et, dans le deuxième, il est à nouveau lié sur le Caucase, ce qui revient en boucle au début de la tragédie antique, comme si toute la vie de Prométhée/Kadaré déroulait indéfiniment les mêmes épreuves. Pour répondre à certains d'entre vous concernant le mythe de Pygmalion, il y a une 2e piste qui est celle de la problématique de l'automate au XIXe siècle notamment et qui interroge sur l'acte de création et en particulier sur les pouvoirs de l'homme et ses aspirations. Éric Faye donne une datation légèrement plus basse en parlant du « milieu des années soixante » (préface aux Œuvres, tome V, Paris, Fayard, 1997, p. 15). C’est du moins la vision héroïsante de la scission entre l’Albanie et l’URSS que propose Le Grand Hiver. Prométhée, le demi-dieu qui vola le feu aux dieux Prométhée, le demi-dieu qui vola le feu aux dieux pour le donner aux hommes et Faust, cet homme qui est prêt à … Car qui, finalement, de Zeus ou de Prométhée, correspond le mieux à l’utopie communiste ? Plusieurs éléments de sa légende tels que son châtiment semblent avoir été empruntés par les Grecs aux légendes du Caucase. ), Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2009, p. 355-364. L'album du groupe de Black metal norvégien Emperor intitulé Prometheus: The Discipline of Fire & Demise fait également référence au titan Prométhée. 13Telle pourrait être la réflexion ironique de Mao dans Le Concert13. Les dates qui figurent à la fin du texte indiquent même une période de rédaction plus longue, de 23 ans (1967-1990). 15Il n’y a là rien d’étonnant pour un lecteur de Kadaré, tant l’histoire du voleur de feu semble comme prédisposée à trouver place dans son imaginaire minéral et parcouru par la tension entre Ciel et Enfers. Le jeu vidéo d'action God of War 2 (2007) et god of war 3 met en scène, dans l'un de ses niveaux, le supplice de Prométhée. Il demande à son fils Héphaïstos de modeler la première femme, Prométhée n'ayant créé que des hommes. L'amitié du Feu divin pour les hommes est une donnée traditionnelle. 19 Kadaré Ismail, Récits d’outre-temps, Paris, Stock, 1995, p. 20. Albert Camus, « Prométhée aux Enfers », dans, Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (, Prometheus: The Discipline of Fire & Demise, Hintergrund der indoarischen Einwanderung in Indien und die Menschengeschichte, Mahābhārata », crépuscule des dieux et mythe de Prométhée, “Le mythe de Prométhée et ses représentations contemporaines”, Arbre de la connaissance du bien et du mal, « De l'âge d'or à Prométhée : le choix mythique entre le bonheur naturel et le progrès technique », https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Prométhée&oldid=179361392, Catégorie Commons avec lien local identique sur Wikidata, Article contenant un appel à traduction en allemand, Portail:Religions et croyances/Articles liés, Portail:Sciences humaines et sociales/Articles liés, licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions, comment citer les auteurs et mentionner la licence. Prométhée est un « transmetteur du feu », qui peut l'avoir volé, une figure universelle[10] antérieure à la période commune des Indo-Européens. Il semble difficile de faire une autre interprétation du poème (malgré l’embarras devant un tel dolorisme) : on aura peut-être noté que, dans Eschyle ou le grand perdant, Prométhée est toujours celui qui s’oppose à la mollesse. 5 Eissen Ariane, « L’Aigle de Kadaré : contre la lecture communiste du mythe de Prométhée », in Lectu ; 6 Marx Karl, « La philosophie conquérante au service de l’homme », in Marx Karl et Engels Friedrich,; 6 Ces textes occuperont une place de choix dans ma réflexion qui, en revanche, négligera L’Aigle, dont j’ai parlé ici même voilà un peu plus de trois ans5. Prométhée fait en sorte que l'Homme puisse tenir debout sur ses deux jambes, il lui donne un corps plus grand, distingué et proche de celui des dieux. PDF. D’où l’insistance sur la fin de la violence politique, sur le pardon, mais aussi son corollaire, le souvenir. Il est aussi évocateur de l'hybris, la folle tentation de l'Homme de se mesurer aux dieux et ainsi de s'élever au-dessus de sa condition. Le Prométhée de Mauvaise saison sur l’Olympe et Ismail Kadaré concluent l’un et l’autre qu’il faut mettre fin à un régime par d’autres armes que les siennes, sous peine de le voir revenir sous une autre forme. C’est indiscutablement, en effet, une réécriture engagée (1941-1943) ; on lira les pages de Simone de Beauvoir dans la Force de l’âge sur cette pièce : « Voilà le vrai théâtre, avait pensé Sartre : un appel à un public auquel on est lié par une communauté de situation. Avant de se demander si quelque de ses proches n’est pas intervenu pour que cesse son supplice, ce qui le met en colère, lui qui, « de sa vie », « n’avait accepté le moindre compromis ». Lucien de Samosate évoque son mythe dans Prométhée ou le Caucase[50]. Or cet homme nouveau suppose que l’on fasse bien des sacrifices pour qu’il advienne14. 41 C’est pourquoi, dans le troisième tableau, l’on trouve une représentation de l’éveil à la conscience de l’humanité primitive, qui renvoie peut-être au Prométhée de Goethe (1773). Il véhicule aussi les notions indo-européennes de feu civilisateur et de feu du culte[12], qui se retrouvent dans la légende de Māthavá et dans l'idée que Prométhée est à l'origine de tous les arts et de toutes les techniques. Dans d'autres variantes, il l'aurait volé à Héphaïstos (Eschyle, Prométhée enchaîné, 7) ou encore à la « roue du Soleil » (Servius, Ad Ecl., 6,42). 2Car, en interprétant le Prométhée enchaîné (desmôtès), la tradition a peu à peu oublié qu’il appartenait à une trilogie, dont les deux autres volets sont perdus, et à l’issue de laquelle Zeus et Prométhée se réconciliaient. En effet, Mary Shelley et Tim Burton s’inspirent du mythe de Prométhée pour créer une nouvelle conception de l’Homme. Le compositeur russe Alexandre Scriabine a écrit une œuvre intitulée Prométhée ou le Poème du feu datant de 1910. Christain Gut, Paris, Presses Pocket, 1991, p. 104. 24Par contraste, Mauvaise saison sur l’Olympe39 apparaît moins optimiste, comme le titre le suggère d’emblée. Sa légende se rapporte à la progression des Indo-Aryens vers l'est. Prométhée est un Titan, fils cadet de Japet[17] et de Thémis[1] ou Clymène selon Hésiode[18] et frère d'Atlas, Ménétios et Épiméthée. 28Pour le « mythologue », ces mises au point, qui reviennent volontiers à l’histoire de Prométhée, ont l’immense mérite de montrer que nous pensons avec les mythes, ou que les mythes nous pensent, en raison de leur présence dans les idéologies. Dans sa tragédie, Eschyle fait également du Titan le gardien du secret selon lequel Thétis serait destinée à enfanter un fils plus puissant que son père. La bienveillance qu'il réserve aux hommes est l'envers de sa malveillance secrète à l'égard de Zeus. En 1820, Percy Shelley, époux de Mary Shelley, compose un poème Prometheus Unbound (Prométhée déchaîné). 3On le sait, mais on veut l’oublier. Un détail de la réécriture suffit à y inviter : on se souvient que, chez Eschyle, le rapport de forces entre le maître des dieux et le Titan n’était pas totalement déséquilibré, puisque ce dernier était doué d’une prescience qui faisait défaut à Zeus. » Le feu donné aux hommes est l’œuvre tout entière, celle qui reste sans égale dans son propre pays et qui donne parfois à son auteur le sentiment d’avoir en lui une étincelle de divinité34, celle qui « sauve de l’aliénation » et « contribue à rendre les humains plus lucides et plus intelligents35 ». Enquête sur un « crime littéraire », op. Stéphane Courtois revient sur cette comparaison dans un entretien avec Ismail Kadaré, intitulé La Vérité des souterrains (Paris, Odile Jacob, 2006, p. 164-165). Trilogie », c’est l’inverse : Zeus/Enver Hoxha doit éviter que Prométhée/Kadaré ne parle et qu’il n’« ébruite »19 un secret. » Réaction paradoxale d’un Prométhée masochiste, qui inviterait à adopter une lecture ironique ? Ce faisant, il dupe Zeus tout comme Loki trompe les autres dieux dans la mythologie nordique[30]. C’est la raison pour laquelle chaque homme a en lui la notion de la politique et peut facilement exprimer une opinion à ce sujet. - Je le savais, répond le révolté. Une âme à l’identité violée, dont la mémoire portera à jamais les stigmates de l’outrage maisLire la suite Merci, nous transmettrons rapidement votre demande à votre bibliothèque. cit., p. 27. On peut voir là l’allusion à un secret tabou, connu de Kadaré : celui des penchants homosexuels du « tyran » dans sa jeunesse20. Et ce parcours est gage d’espoir. cit., p. 29. Il apparaît pour la première fois au VIIe siècle av. 25 Reprenant la métaphore du feu, Brecht se demandait en 1956, devant le IV e congrès des écrivains, « si des étincelles d’esprit combatif couvent encore sous la cendre ». cit., p. 28-29. Cet épisode est communément appelé « le partage de Méconé »[27]. » Une « version intégrale » succédera à ce texte en juin 1990 (Printemps albanais [1991], Paris, Le Livre de Poche, 1995, p. 67). La série de bande dessinée La Sagesse des mythes dirigée par Luc Ferry met en scène en 2016 Prométhée dans l'ouvrage Prométhée et la boîte de Pandore scénarisée par Clotilde Bruneau et dessinée par Giuseppe Baiguera[52]. Quant au feu, il faut noter, pour une fois, son caractère concret (aussi). Dans « Prométhée. Néanmoins, la signification de cet acte diffère : à Sumer, l'homme est créé à la demande des dieux pour les servir ; dans le mythe grec, c'est comme concurrent et presque en rival que l'homme s'oppose aux dieux[25]. Jean-Louis Perpillou, Les adjectifs grecs en -eúç, Paris, Klincksieck, 1973, p.208 et suiv. 37 Kadaré Ismail, Printemps albanais [1991], Paris, Livre de Poche, 1995, p. 135. Pour éviter que les hommes, détenteurs de ces nouveaux pouvoirs, en viennent à s’entre-tuer, Zeus leur accorda aussi à tous les sentiments de la pudeur et de la justice, fondateurs de la conscience politique et de la vie en communauté. Ou, plus radicalement, les exigences de la littérature se placent-elles au-dessus des responsabilités d’un citoyen44 ? 5Ismail Kadaré n’a cessé de revenir au Titan porteur du feu. » quand l’aigle plante à nouveau le bec dans son foie. Le poème de Goethe a notamment été mis en musique par Johann Friedrich Reichardt, Schubert ("Prometheus", 1819), Hugo Wolf (1889). 17Par conséquent, l’histoire de Prométhée offre bien un détour à Kadaré pour représenter sa vie en tant qu’écrivain face au régime. Il y aura des crucifiés et des crucificateurs, des Pilate qui se laveront les mains, des Faust vendeurs d’âme et des Méphistophélès qui les achèteront, des enchaîneurs et des Prométhée10. Sur la postérité moderne et contemporaine de Prométhée, « toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos pères, plus que nos pères, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres », « Ô justice, ô ma mère, s'écrie Prométhée, tu vois ce qu'on me fait souffrir. Simay Turan. cit., p. 30 (« comment n’ai-je pas pensé qu’en même temps que le bien, et même plus fortement encore, je raffermissais en eux [les hommes] avant tout le mal ? . Au Royaume-Uni, plusieurs écrivains réinterprètent la figure de Prométhée. L’article propose une relecture d’un certain ethos soixante-huitard à la lumière du mythe de Prométhée. Le Prométhée Enchaîné d'Eschyle n'offre aucune base aux imaginations modernes, qui font de Prométhée un symbole de révolte anti-religieuse. Ce poème en prose de 1967 se concentre autour de l’aigle. Download Free PDF. 27Reste sans doute que l’on ne vient pas facilement à bout de l’héroïsme sacrificiel, comme le prouvent les incessantes mises au point de Kadaré, par exemple dans ses entretiens avec Maks Velo ou avec Stéphane Courtois, et les accents d’auto-justification que l’on entend souvent chez lui. Le Mythe de Prométhée Introduction. Le martyre du Titan prenait fin sans que Zeus soit détrôné : l’existence même du Prométhée délivré (luomenos) met à mal bien des imageries sacrificielles ou/et révolutionnaires. Enfin, la « misérable contrepartie qu’il [Zeus] sollicitait depuis tant d’années32 » peut faire allusion à l’accord tacite de ne plus écrire de romans (mais de simples récits), accord passé à la fin de 197533. Je cite une version revue et corrigée qui m’a été communiquée par Alexandre Zotos, que je remercie. ». Suivant les versions : Épiméthée, le sot[24], ne sachant que faire pour les hommes, appelle à l'aide son frère qui imagine un plan pour favoriser l'humanité. 10 Kadaré Ismail, L’Année noire. On n’assiste pas au moment précis de la réconciliation entre Zeus et Prométhée, réconciliation d’ailleurs exigée par « le Centre », instance mystérieuse, dont on ne sait s’il faut l’assimiler à un pouvoir politique supérieur (l’opinion internationale ? Par ailleurs, le feu divin indo-européen est « ami des hommes » dont il peut se rapprocher en se détournant des dieux, car il est par nature transfuge[13]. cit., p. 189 (« les êtres qui créent de la grande littérature recèlent à mes yeux une dose de divinité. » (Ibid., p. 156). C’est l’un des tout premiers textes de l’auteur, antérieur même au Général de l’armée morte (1963) et aux Tambours de la pluie, selon une indication donnée page 15 d’Invitation à l’atelier de l’écrivain (Fayard, 1991), si l’on veut bien considérer que La Cité du Sud et La Ville du Sud ne font qu’un. Le rappeur Akhenaton, du groupe IAM, a écrit une chanson Prométhée dans l'album Métèque et mat en 1995. cit., p. 24. Son frère Prométhée avait créé les hommes à partir d’argile. C'est un des mythes récurrents dans le monde indo-européen (mais on le retrouve également chez d'autres peuples : la domestication du feu a amené les mythes correspondants). Et ce qui est vrai de l’opinion publique l’est aussi de Kadaré. Or Zeus convoite Thétis. J.-C. dans une autre pièce, Prométhée enchaîné, d'Eschyle. malion ou l’amour Prométhée de Poultier-d’Elmotte (1780), le Prométhée d’Edgar Quinet (1838) et les Martyrs d’Arezzo de Jules le Fèvre-Deumier (1839), tous étudiés au chapitre iv, offrent de remarqua-bles exemples de fédération du mythe de Pygma-lion à un autre mythe, en l’occurrence celui de Celui de Kadaré ne l’est pas moins. Et tout particulièrement son impensé dans l’imaginaire marxiste, puisque Marx a salué en Prométhée « le premier saint, le premier martyr du calendrier philosophique6 ». 7Les Prométhée de Kadaré ont probablement changé en même temps que l’auteur, en fonction de l’évolution de la situation politique et des choix que celle-ci incitait à faire. La Ville du Sud et douze autres nouvelles parut d’abord aux Publications Orientalistes de France, en 1985. Maître de conférences en littérature comparée à l’université de Poitiers. Prométhée, pour réparer l’erreur de son frère, alla voler les secrets du feu et des arts à Héphaïstos et Athéna. cit., p. 312. Prométhée savait à quelle femme Zeus ne devait surtout pas s’unir, sous peine d’engendrer un fils qui le détrônerait ; tant que le Titan restait muet, Zeus vivait sous cette menace. 233).). Il désigne une voie à suivre pour Kadaré, en cette période de transition pour l’Albanie : Plus fidèlement qu’aucun autre, ce mythe porte témoignage des souffrances par lesquelles a dû passer l’humanité à travers terreurs, chaînes et destructions, pour accéder à l’Olympe, donc au Parlement, et y envoyer enfin son premier député. cit., p. 7-8) ; la deuxième, dans De Scanderbeg à Ismaïl Kadaré (CIEREC Travaux XCII, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1997, p. 172-175, et note 5, p. 166) ; et la troisième, dans la revue Bleue, n ° 5/6, 2002, p. 66-67. Le Prométhée d'Eschyle parle comme ces héros : « Franchement, je hais les dieux » (Eschyle, v. 975). Douce, dans la mesure où, reprenant la temporalité du Prometheus unbound de P. B. Shelley (1820), Kadaré fait suivre à son héros la marche des temps historiques41, qui se déroulent tandis que durent ses châtiments. Dans la série Supernatural (Saison 8, épisode 16), les frères Winchester font la rencontre d'un homme qui meurt tout les jours avant de réssuciter, il s'agit de Prométhée, devenu amnésique. Prométhée n'est ni homme, ni père ou créateur des hommes — ni non plus Satan, car, oncle de Zeus, il a le droit de blâmer ce divin tyran. Jusuf Vrioni, Paris, Fayard, 1989, p. 90-92. »). Chargé par les dieux, à la création du monde, de distribuer les qualités et les dons physiques parmi les êtres vivants, Epiméthée oublia de pourvoir convenablement l’homme, resté nu et sans défense. Découvrant sa ruse, Zeus le punit, non pour avoir donné le savoir aux hommes, mais pour avoir volé les dieux : en effet, la tâche confiée à Prométhée était de donner un souffle de vie à chaque créature, celle de son frère de les armer (griffes, défenses, crocs…) afin qu'elles puissent se défendre. PDF. Pour Albert Camus, en 1946, dans l'Europe en ruines après la violence et les convulsions de l’Histoire, Prométhée incarne l’homme contemporain, persécuté et fils de la justice, qui souffre du malheur de tous en connaissance de cause : « Ô justice, ô ma mère, s'écrie Prométhée, tu vois ce qu'on me fait souffrir. Toutefois, Alexandre Zotos me signale (et je l’en remercie) qu’Eschyle-Tragédie est paru en 1986 seulement en Albanie, bien que la préface soit datée, elle, de janvier 1985. 42 Kadaré Ismail, Mauvaise saison sur l’Olympe, op. 12Et Prométhée de diagnostiquer : « Si cela continue, je suis perdu ». Ce qui va être davantage le cas encore lorsque Kadaré utilise l’histoire de Prométhée comme un espace de projection où (se) penser. À quoi fait écho dans notre texte la question oratoire : « Au fond, ne suis-je pas une divinité ? 40 Kadaré Ismail, Récits d’outre-temps, op. Le vrai révolutionnaire serait-il celui qui tire sa force de sa souffrance, qui le tient en éveil ? Résumé du document Le mythe de Pandore a comme fondement un conflit opposant Zeus et Prométhée. Or, cet adjectif promêthês n'a aucune filiation d'où l'idée qu'il ait pu être formé par dérivation inverse sur le nom de Prométhée. Courroucé par cet acte déloyal, Zeus le condamne à être attaché à un rocher sur le mont Caucase, son foie dévoré par l'Aigle du Caucase chaque jour, et repoussant la nuit.